"Si ce roman est publié pour la première par les Presses de la Cité, en 2014, sous le titre Gravé dans le sable, je l’ai cependant écrit il y a longtemps. Vingt ans, très exactement.
Si mes romans ne sont liés par aucun héros récurrent, ne comportent aucun ordre ; si chaque lectrice ou lecteur pourra découvrir mes livres en commençant par n’importe laquelle de mes histoires, celle-ci occupe pourtant une place particulière dans ma vie d’écrivain. Un roman de jeunesse ? Même si j’avais presque trente ans lorsque je l’ai écrit ?
Oui !
Oui, parce que lorsque j’écrivais Gravé dans le sable, j’ignorais si ce roman serait publié un jour (et même à vrai dire, je n’y croyais pas trop), c’est déjà une première différence fondamentale avec tous les romans qui ont suivi.
Oui, parce que lorsque j’écrivais Gravé dans le sable, j’ignorais alors tous les codes de l’écriture d’un roman policier, je les inventais, je les imaginais, je les transformais à ma façon. Peut-être les descriptions des lieux étaient-elles trop longues, peut être le détective privé trop romantique, le tueur à gages trop maladroit, mais sans-doute aussi ai-je ainsi inventé ma façon de raconter mes histoires.
Oui, parce que ce roman est ainsi truffé de clins d’œil, de références, d’obsessions peut-être, qui seront repris, parfois développés dans mes romans suivants ; je vous laisse les découvrir au fil des pages…
Oui, parce qu’en 1994, les écrivains n’avaient pas à leur disposition Internet, Google Earth, des encyclopédies en ligne… En 1994, il fallait choisir entre se lancer dans un long travail de recherche… ou tout inventer ! Mes romans postérieurs sont tous documentés avec soin, décrivent avec précision les lieux (du moins presque toujours), sont ensuite relus par des correctrices vigilantes.Gravé dans le sable est passé à travers de tamis de la réalité, et le lecteur pourra s’amuser à démêler le vrai du faux, ce qui relève des faits et ce qui relève de l’imagination pure de l’auteur, transformant le réel à sa guise, sans que jamais la vraisemblance du récit n’en soit affectée.
Oui, parce que ce roman a connu plusieurs vies. Trois, pour être plus précis. Lors de la première, il a dormi pendant 10 ans dans un tiroir de mon bureau, sous le titre « l’ardoise », avant qu’un éditeur accepte de le publier. Lors de la deuxième, sous le titre d’Omaha crimes, il me révéla au monde du polar. Lors de la troisième, il poursuit aujourd’hui sa belle aventure sous le titre de Gravé dans le sable. Avant, qui sait, d’en connaitre une quatrième sur grand écran…
Bonne lecture en compagnie d’Alice, Lison, Nick, Emilia, Lucky, Ted… Tous occupent une place particulière dans mon cœur, comme des amis d’enfance dont on se souvient mieux que ceux qui suivront.
Je sais que pour les lecteurs qui m’ont suivi depuis le début, qui ont lu Gravé dans le sable sous le titre d’Omaha crimes, avec sa couverture noir et blanc et les péniches du débarquement qui rappelaient un livre de souvenirs de guerre, ce livre possède une saveur particulière, et reste peut-être même leur préféré. Peut-être auront-ils même une pointe de jalousie à voir ce roman régional s’évader vers toutes les libraires de France, même incognito, sous un nouveau nom. Un pointe de mélancolie aussi, comme en voyant un gosse du coin partir vivre sa vie ailleurs, sans oublier pour autant d’où il vient.
Il y a quelque chose de miraculeux à ce qu’un roman de province, d’un éditeur de province, vive, quelques années plus tard, une sortie nationale, internationale, et plus qu’une troisième vie, des milliers de nouvelles vies, car chaque rencontre avec une nouvelle lectrice ou un nouveau lecteur en est une."
Michel Bussi